L'été passa, triste, chaud, tranquille. Elle, guettant les premières feuilles jaunies, les premiers rassemblements d'hirondelles, la pousse des chrysanthèmes.
Par les paquebots de Reykjavik et par les chasseurs, elle lui écrivit plusieurs fois; mais on ne sait jamais bien si ces lettres arrivent.
A la fin de juillet, elle en reçut une de lui. Il l'informait qu'il était en bonne santé à la date du 10 courant, que la saison de la pêche s'annonçait excellente et qu'il avait déjà quinze cents poissons pour sa part. D'un bout à l'autre c'était dit dans le style naïf et calqué sur le modèle uniforme de toutes les lettres de ces Islandais à leur famille. Les hommes élevés comme Yann ignorent absolument la manière d'écrire les mille choses qu'ils pensent, qu'ils sentent ou qu'ils rêvent. Étant plus cultivée que lui, elle sut donc faire la part de cela et lire entre les lignes la tendresse profonde qui n'était pas exprimée. A plusieurs reprises, dans le courant de ses quatre pages, il lui donnait le nom d'épouse, comme trouvant plaisir à le répéter. Et d'ailleurs, l'adresse seule: A Madame Marguerite Gaos, maison Moan, en Ploubazlanec, était déjà une chose qu'elle relisait avec joie. Elle avait encore eu si peu le temps d'être appelée: Madame Marguerite Gaos!...