- Me marier? Disait Yann à ses parents le soir, - me marier? Eh! donc, mon Dieu, pour quoi faire? - Est-ce que je serai jamais si heureux qu'ici avec vous; pas de soucis, pas de contestations avec personne, et la bonne soupe toute chaude chaque soir, quand je rentre de la mer... Oh! je comprends bien, allez, qu'il s'agit de celle qui est venue à la maison aujourd'hui. D'abord, une fille si riche, en vouloir à de pauvres gens comme nous, ça n'est pas assez clair à mon gré. Et puis ni celle-là ni une autre, on, c'est tout réfléchi, je ne me marie pas, ça n'est pas mon idée.
Ils se regardèrent en silence, les deux vieux Gaos, désappointés profondément; car, après en avoir causé ensemble, ils croyaient être bien sûrs que cette jeune fille ne refuserait pas leur beau Yann. Mais ils ne tentèrent point d'insister, sachant combien ce serait inutile. Sa mère surtout baissa la tête et ne dit plus mot; elle respectait les volontés de ce fils, de cet aîné qui avait presque rang de chef de famille: bien qu'il fût toujours très doux et très tendre avec elle, soumis plus qu'un enfant pour les petites choses de la vie, il était depuis longtemps son maître absolu pour les grandes, échappant à toute pression avec une indépendance tranquillement farouche.
Il ne veillait jamais tard, ayant l'habitude, comme les autres pêcheurs, de se lever avant le jour. Et après souper, dès huit heures, ayant jeté un dernier coup d'oeil de satisfaction à ses casiers de Loguivy, à ses filets neufs, il commença de se déshabiller, l'esprit en apparence fort calme; puis il monta se coucher, dans le lit à rideaux de perse rose qu'il partageait avec Laumec son petit frère.