DISCUSSION
Le mercredi matin Bob quitta l’école de bonne heure et alla chez le médecin pour un nouvel essai de vaccin. Il ne savait pas exactement à quel moment Teroa devait venir pour ses piqûres et n’avait pas particulièrement envie de le rencontrer, aussi resta-t-il le moins de temps possible dans le cabinet du médecin. L’après-midi se déroula comme d’habitude et après la classe les garçons décidèrent de ne pas s’occuper du bateau pour une fois et d’aller voir le nouveau réservoir. Malmstrom ne suivit pas le mouvement et disparut sans donner de raison précise sur ce qu’il allait faire. Bob le regarda s’éloigner, très intrigué. Il eut envie de le suivre, mais n’avait aucun motif plausible pour s’attacher à lui et d’autre part Rice et Hay étaient avant lui sur la liste des personnes suspectes.
La construction du réservoir semblait avancer beaucoup moins rapidement qu’auparavant. Les parois pour lesquelles on devait construire de nouveaux coffrages partaient d’un côté de la colline sur leur plus grande longueur et un plancher, placé à quatre mètres cinquante du sol, commençait à être posé. De très longues entretoises devaient être scellées sur toute la largeur et l’on s’était aperçu que les cornières qui avaient été commandées n’étaient pas assez longues. Il fallait donc souder deux morceaux bout à bout. De plus la pente de la colline obligeait les ouvriers à prendre constamment des mesures pour avoir la longueur exacte et pouvoir poser un plancher parfaitement droit.
De lourdes planches étaient rapidement amenées du dépôt de bois jusqu’à la scie circulaire où elles étaient coupées à la bonne longueur. Bob, qui paraissait peu se soucier des échardes, et Colby, qui avait emprunté des gants de travail, aidaient de temps à autre. Hay et Rice qui avaient trouvé des clefs anglaises dans un coin avaient réussi à persuader un contremaître de les laisser s’occuper de la glissière amenant le béton au coffrage. Ils étaient très affairés à resserrer le moindre écrou se présentant à eux. Les glissières couraient à une certaine hauteur, mais les garçons ne s’occupaient nullement du vide qui s’ouvrait sous eux. Mais de nombreux ouvriers éprouvaient de sérieuses craintes à les voir jouer aux acrobates et demandèrent au contremaître de les affecter à un poste moins dangereux. Les garçons refusèrent, affirmant que les échafaudages étaient assez larges pour qu’il n’y ait aucun danger de tomber.
La vitrification de la paroi sud n’était pas encore achevée et les garçons ne devaient pas s’approcher de cet endroit. Seul Bob obtint la permission d’aller jusqu’à l’appontement pour remplir le tonneau de vernis au fluor. On ne pouvait pas conserver beaucoup de ce produit près du lieu d’utilisation, car il avait tendance à se polymériser à température normale. On conservait donc la plus grande partie de ce vernis dans une pièce réfrigérée qui servait de réserve de vivres aux ouvriers. Le trajet prit à peine deux ou trois minutes à Bob, mais il dut attendre plus d’une demi-heure que le tonneau soit nettoyé et rempli. La moindre trace d’ancien produit laissée au fond risquait d’amener des complications lors de l’application. De plus on ne connaissait aucun dissolvant capable de nettoyer ce vernis lorsqu’il était solidifié. Il fallait alors découper le tonneau.
En revenant au réservoir, Bob découvrit que Rice n’était plus perché sur l’échafaudage, mais au contraire apportait des poteaux pour étayer les entretoises sur le fond du réservoir. Lorsqu’il lui demanda la raison de ce changement d’altitude, Rice lui répondit plus amuse qu’ennuyé :
« J’ai laissé tomber un gros boulon que mon père a failli recevoir sur le crâne et il m’a fait descendre avant que je n’assomme quelqu’un ! Il m’a fait la leçon durant tout le temps de ton absence. J’ai eu à choisir entre travailler ici ou rentrer à la maison, affirmant qu’il n’était pas encore certain que je ne serais pas dangereux ici ! Quand même, il va fort ! J’aimerais voir sa tête lorsqu’il s’apercevra que le plus gros des étais, celui qui est dans le coin là-bas, est en train de glisser dans son logement. S’il tombe, tout le plancher vient avec. J’ai l’impression que le spectacle vaudra le déplacement !
— Tu ferais quand même bien de le consolider, c’est trop risqué pour blaguer avec ça !
— Tu as raison, j’y vais. »
Rice prit un gros marteau et se dirigea vers le pied de l’étai, puis Bob jeta un regard autour de lui pour essayer de découvrir quelque chose d’intéressant à faire. Il tint le bout de la longue chaîne qui servait à son père à prendre des mesures, se vit interdire de porter des sacs de ciment jusqu’aux bétonnières, et finalement alla s’installer au sommet d’une petite échelle d’où il découvrait tout le chantier. Ce qu’il voyait le passionnait et son père était pleinement rassuré de le voir là-haut à l’abri de tous les dangers qui se présentaient à chaque pas.
Bob se souvint tout à coup qu’il devait se rendre chez le docteur après la classe pour un nouvel essai de vaccin. Comme la plupart des conspirateurs, aussi nobles que soient leurs motifs, il ne lui vint pas à l’esprit que personne ne songeait à surveiller tous ses mouvements et il demeura là à se torturer pour trouver une excuse valable. Les ouvriers ne remarqueraient sans doute pas son absence, mais il y avait ses amis, et en admettant même qu’aucun d’eux ne s’aperçût de sa disparition, un tas de gosses traînaient toujours dans tous les coins et il y en aurait certainement un qui voudrait savoir où il se rendait. Du moins c’est ce que pensait Bob.
Ses rêveries furent interrompues par Colby qui lui cria d’en bas :
« Hé, regarde ! Voilà Charlie qui vient tout seul. Je croyais que Tout-Petit était avec lui. »
Bob regarda au pied de la colline, là où s’arrêtait la route et vit que Colby avait raison. Teroa montait lentement vers le réservoir. À cette distance il était difficile de distinguer l’expression de son visage, mais Bob était cependant certain, à son allure lente et hésitante, qu’il avait vu le docteur. Les lèvres de Bob se serrèrent et il sentit un vague remords le parcourir. L’espace d’un moment, il songea à quitter son échelle et à disparaître. Il parvint à vaincre son premier mouvement et resta là à attendre.
Teroa était assez près maintenant. Son visage semblait vide de toute expression, ce qui surprenait d’autant plus qu’en général il rayonnait de bonne humeur. Il répondit à peine aux bonjours que lui lancèrent ses camarades et deux ou trois d’entre eux, se rendant compte que quelque chose n’allait pas, eurent le tact de ne se livrer à aucun commentaire. Mais le mot tact était inconnu de Rice.
Le jeune garçon travaillant à une trentaine de mètres plus bas que l’échelle de Bob, s’affairait toujours à dresser des étais en se servant d’une énorme masse qui paraissait ridiculement grosse aux mains de Rice, demeuré assez chétif pour son âge. Dès qu’il aperçut Teroa, il lui lança :
« Salut, Charlie, tu es paré pour ton voyage au long cours ? »
Le visage de Charles Teroa demeura sans expression et il répondit d’une voix blanche : « Je ne pars plus.
— Pourquoi ? Il n’y avait pas assez de lits à bord ? » La plaisanterie était cruelle et Rice la regretta dès qu’elle eut franchi ses lèvres, car au fond c’était un bon garçon qui aimait bien ses camarades. Il n’eut le temps ni de se reprendre, ni de s’excuser.
Comme Bob le pensait, Teroa venait de voir le docteur Seever. Depuis des mois le jeune garçon avait désiré la place qu’on lui offrait et il préparait son départ depuis huit jours. Le pire était qu’il l’avait annoncé à tout le monde. En lui déclarant qu’il devait attendre le prochain voyage pour partir, le médecin lui avait porté un coup terrible. Il ne parvenait pas à trouver une raison à cette décision et s’était promené sans but pendant une heure après avoir quitté le cabinet du docteur. Sans penser où il allait, il s’était dirigé vers le chantier de construction. S’il s’était rendu compte de l’endroit où le menaient ses pas, il aurait certainement rebroussé chemin pour éviter de se trouver en face de la foule des travailleurs et des enfants qui se rassemblaient toujours là-bas. Dans l’état d’esprit où il se trouvait, il voulait certainement ne voir personne. Plus il y songeait, plus la décision du docteur lui semblait injuste, et une sourde colère le travaillait. Toute question de tact ou de courtoisie mise à part, la plaisanterie de Rice tombait très mal.
Charles Teroa ne prit pas le temps de réfléchir. Il se trouvait à un mètre ou deux de Rice et sa réaction fut immédiate : il bondit en avant et frappa.
Bien que plus jeune, Rice avait des réflexes rapides et c’est ce qui le sauva. Il put encaisser le premier coup sans trop de mal. Teroa avait frappé de toutes ses forces et Rice tomba à la renverse en laissant échapper la masse, puis leva les bras au-dessus de lui pour se protéger. Teroa, perdant tout contrôle de lui-même, se précipita de nouveau les poings en avant. Toutes les personnes présentes reculèrent vers le coffrage.
L’ouvrier que Rice aidait était trop loin pour s’interposer immédiatement ainsi que Bob qui n’eut pas le temps de descendre de son échelle. Quant aux autres, ils ne s’étaient pas encore aperçus de ce qui se passait. Le combat se déroulait et les adversaires y mettaient toute la violence dont ils étaient capables. Au début Rice demeura sur la défensive, mais s’énerva très rapidement lorsque le poing de Teroa, déjouant sa garde, vint le frapper violemment sur les côtes.
Teroa, de trois ans plus âgé que Rice, était plus grand, et ses coups portaient mieux. Ni l’un ni l’autre ne connaissaient grand-chose à la boxe, mais certains coups atteignaient malgré tout leur but. Teroa toucha plusieurs fois son adversaire au visage tout en recevant un certain nombre de coups bien appliqués. L’un d’eux vint le frapper en plein plexus solaire et il demeura quelques instants à reprendre sa respiration.
Sans le faire exprès, il fit un pas en arrière et porta les mains à sa poitrine. Rice comprit que le combat pouvait tourner à son avantage et il réagit aussi rapidement qu’aurait pu le faire un boxeur bien entraîné. À peine la garde de Teroa s’était-elle abaissée que le poing gauche de Rice se détendit, poussé par toute la force des muscles de son épaule et vint frapper en plein le nez de son adversaire. Le coup était joli et Rice qui, jusque-là, n’avait pas eu de motif de se réjouir particulièrement, s’en souvint toujours par la suite avec une certaine fierté. Sa satisfaction ne dura guère : Teroa récupéra rapidement ses esprits et répondit par un coup placé au même endroit. Ce fut d’ailleurs la fin du combat. L’homme qui s’occupait des étais avait eu le temps de se ressaisir et venait de ceinturer Teroa par-derrière. Bob, dévalant quatre à quatre les barreaux de son échelle, entraînait Rice de l’autre côté. Les deux pugilistes ne firent, d’ailleurs, aucune tentative sérieuse pour s’échapper. L’interruption du combat leur donnait la possibilité de se retirer avec les honneurs de la guerre et tous deux semblaient un peu honteux de ce qu’ils avaient fait, quoiqu’il fût particulièrement difficile de découvrir une expression quelconque sur leurs visages tuméfiés.
Les enfants des alentours, qui s’étaient rassemblés dès le début du combat, acclamaient les deux boxeurs avec la même ardeur, mais les ouvriers qui accouraient semblaient beaucoup moins enthousiastes. Le père de Rice avait une telle expression sur son visage qu’il était facile de voir ce qu’il pensait de la conduite de son fils.
Le fils lui-même n’était pas très joli à regarder. Les meurtrissures commençaient déjà à prendre une belle couleur pourpre qui contrastait étrangement avec les cheveux roux et le sang coulait à flots de son nez. Les coups qu’avait reçus son adversaire étaient pour la plupart cachés par sa chemise, mais son nez saignait avec la même ardeur, ce qui était tout à l’honneur de l’habileté de Rice. Le père de ce dernier resta quelques instants devant son rejeton à le considérer en silence. Il n’avait pas l’intention de dire exactement à son fils ce qu’il pensait, réservant ses paroles pour plus tard. Au bout de quelques instants il déclara simplement :
« Kenneth, tu ferais bien d’aller te laver le visage et d’essayer de détacher ta chemise avant de rentrer à la maison. Je te parlerai plus tard. » Puis faisant demi-tour il ajouta en direction de Teroa : « Charles, je crois que tu ferais bien d’aller avec lui et d’en faire autant. En outre j’aimerais savoir ce qui s’est passé exactement, et quelle est la cause de cette stupidité. »
Les deux garçons ne répondirent pas et descendirent vers le lagon, assez contents d’eux-mêmes au fond. Bob, Norman et Hugh les suivirent. Ils avaient tous trois assisté à la bagarre dès le début et n’avaient nullement l’intention d’en parler avant que les principaux intéressés se soient mis d’accord sur ce qu’il convenait de dire.
M. Kinnaird connaissait assez son fils pour deviner ce qu’il pensait et il fit le tour du réservoir pour s’approcher du groupe des enfants.
« J’ai du savon qui mousse à l’eau de mer dans la Jeep, déclara-t-il. Je vais vous le donner si l’un de vous veut bien porter cette lame de scie à M. Meredith. »
Il fit semblant de lancer l’objet rond qu’il avait sous le bras et que personne n’avait encore remarqué. Colby s’approcha et glissant un doigt dans le trou de la lame circulaire se dirigea vers le haut de la colline pendant que M. Kinnaird faisait le tour du chantier pour rejoindre sa voiture.
Les garçons le remercièrent vivement pour le savon et en particulier Rice qui s’inquiétait beaucoup des réactions de sa mère à la vue de sa chemise tachée de sang. Une demi-heure plus tard les taches avaient disparu et il commença à se préoccuper des deux magnifiques cocards qu’il avait aux yeux. Par miracle, il avait encore le même nombre de dents, mais Bob et Norman, qui lui nettoyaient le visage, étaient d’accord pour estimer qu’il faudrait un certain temps avant qu’on ne lui pose plus de questions indiscrètes en le voyant. À ce point de vue Teroa était nettement mieux partagé. Il n’avait été touché qu’une seule fois à la figure et dans un jour ou deux les reflets bleuâtres auraient disparu.
Les deux garçons ne s’en voulaient plus du tout et pendant qu’on les soignait ils avaient fait assaut de politesse pour s’excuser mutuellement. Bob et Norman trouvèrent même très drôle de les voir s’éloigner bras dessus, bras dessous pour aller comparaître devant M. Rice.
« On lui avait pourtant dit qu’il tomberait un jour sur un os, remarqua Hay ; j’espère quand même qu’il n’aura pas d’ennui du côté de ses parents, Charlie l’a déjà assez sonné.
— Ça, répliqua Bob, on peut dire qu’il avait choisi le bon moment pour dire une blague ! Juste à l’instant où Charlie annonçait qu’il ne partait pas. Tu penses s’il était de bon poil.
— Tiens, mais je ne savais pas. Charlie a dit qu’il ne partait pas ?
— Oui. » Bob se souvint à temps qu’en principe il ne devait pas savoir la cause de ce contrordre. « Tout s’est passé si vite que personne n’a eu le temps de lui demander des explications. J’ai l’impression que maintenant mieux vaut ne pas lui en parler. On remonte là-haut voir ce qui se passe ?
— Je ne crois pas que ce soit la peine. D’autre part je n’ai pas encore eu le temps d’installer le grillage à mon aquarium. Jusqu’ici on n’a fait que réparer ce maudit bateau. Qui veut venir avec moi dans la petite île ? D’ailleurs on n’a pas besoin de bateau, il suffit de passer à la nage. »
Bob hésita un instant. Il lui fallait absolument retourner voir le docteur pour essayer un nouveau vaccin, mais il ne voyait pas comment il pourrait quitter ses amis sans éveiller leurs soupçons et risquer de trahir ses véritables motifs.
« Et Hugh, demanda-t-il, il n’est pas encore redescendu ? Il n’avait pourtant pas à aller loin pour porter sa lame de scie.
— Il a dû trouver autre chose à faire en route. Je crois bien que je vais rentrer aussi si l’on ne va pas à l’aquarium. Tu viens, Bob ?
— J’ai encore quelque chose à faire, répondit-il, et je vais y aller tout de suite.
— Bon, alors à tout à l’heure. »
Hay se dirigea vers la colline et aperçut devant lui les vagues silhouettes des deux pugilistes qui n’avaient pas l’air pressés d’aller s’expliquer devant M. Rice. Bob, se demandant toujours si les autres ne soupçonnaient rien à son sujet, se dirigea vers la plage en direction de l’appontement. Il marchait lentement, car de nombreuses pensées se pressaient dans son esprit et le Chasseur ne le dérangea pas. Il devait sans doute avoir lui aussi des préoccupations personnelles. Parvenu à l’extrémité de l’appontement, Bob bifurqua vers la route, dépassa la maison de Teroa et, ayant tourné à droite, atteignit la demeure du docteur. Ses projets se trouvèrent brusquement dans une impasse lorsqu’il aperçut sur la porte la petite pancarte indiquant que le médecin était sorti sans que soit précisée l’heure de son retour.
Comme Bob le savait, la porte n’était jamais fermée. Après quelques instants d’hésitation, il l’ouvrit et pénétra dans le cabinet. Il avait le temps d’attendre et, d’autre part, le médecin ne restait jamais très longtemps absent. En outre, il découvrirait beaucoup de livres qu’il n’avait pas lus et dans lesquels il pourrait peut-être trouver des renseignements utiles. Il parcourut du regard les rayons de la bibliothèque, tirant quelques volumes aux titres prometteurs, et s’installa pour lire.
La plupart étaient des ouvrages techniques destinés à des professionnels où il trouva de nombreux termes médicaux qui lui parurent hermétiques. Bob était loin d’être ignare, mais il manquait simplement des connaissances nécessaires pour interpréter correctement ce qu’il lisait. Aussi son esprit s’éloigna-t-il souvent du sujet pour vagabonder en toute liberté.
Ses pensées se concentraient sur les événements de l’après-midi qu’il essayait de rattacher aux problèmes qui le préoccupaient tant. Il n’avait pas encore eu l’occasion de demander l’opinion du Chasseur sur les conclusions auxquelles il était arrivé la veille au soir et en particulier sur les soupçons que Bob et le docteur Seever avaient formulés au sujet de Hay et Rice. Il profita de cet instant de répit pour interroger le Chasseur.
« Je me suis abstenu de critiquer vos efforts, répliqua celui-ci, bien qu’à mon avis vous vous soyez trompés complètement. Vous aviez malgré tout de sérieuses raisons d’en arriver là. Je préfère ne pas vous donner mon opinion au sujet de Rice et Hay, ni même envers vos autres camarades, car si je commence à démolir vos hypothèses en partant du principe qu’elles ne concordent pas avec les miennes, mieux vaudrait pour moi décider de travailler tout seul. »
Le blâme était indirect, mais Bob comprit très bien que le Chasseur ne partageait pas leur avis. Il ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi, car il estimait que le docteur et lui-même avaient été parfaitement logiques dans leurs raisonnements. Cependant le Chasseur devait avoir plus de renseignements qu’eux-mêmes sur le criminel qu’ils recherchaient.
Où pouvaient-ils s’être trompés ? À proprement parler ils n’avait tiré aucune conclusion encore définitive. Connaissant les limites de leurs connaissances, ils s’étaient contentés de parler de probabilités. Si le Chasseur était d’un avis différent, il devait posséder quelques certitudes.
« Je ne suis pas encore sûr », répondit le détective, lorsque Bob lui exposa le film de son raisonnement et une fois de plus Bob se remit à passer en revue les événements récents. Il venait d’avoir une idée qui lui paraissait sensée, mais n’eut pas le temps d’en faire part au Chasseur, car à l’instant même il entendit les pas du médecin dans la pièce voisine. Bob se dressa d’un bond, le visage tendu et au moment où le docteur ouvrit la porte, il lui lança d’un trait :
« Il y a du nouveau. Vous pouvez laisser partir Charlie dès demain et ce n’est pas la peine de nous occuper de Rice non plus. »