LA GLISSADE
En rentrant chez lui, Bob s’aperçut qu’il avait oublié de demander le livre du docteur à Hay, mais à la réflexion ce n’était pas d’une urgence extrême et il aurait le temps de le réclamer le lendemain. Selon toute vraisemblance ce volume ne lui serait pas d’un grand secours. Pour changer un peu, il passa la soirée avec ses parents à lire et à discuter. Le Chasseur ne se manifesta pas et se contenta sans doute d’écouter et de réfléchir. Du point de vue du Détective la matinée suivante s’ouvrit sous de meilleurs auspices. Bob travailla dans le jardin au début de la matinée pendant que ses amis étaient encore à l’école et ne réussit à trouver aucun moyen, pas plus que le Chasseur, d’approcher d’assez près Teroa afin de pouvoir l’analyser. Bob avait proposé au Chasseur de le laisser un soir tout près de la maison de Teroa et de revenir le prendre le lendemain matin de très bonne heure. Le Chasseur avait refusé, déclarant que pour rien au monde il ne permettrait à Bob de le voir entrer ou sortir de lui. Il savait trop bien ce que donnerait l’émotion ressentie. Bob ne comprenait pas très bien, mais s’estima néanmoins convaincu lorsque le Chasseur lui fit remarquer qu’il n’y avait aucun moyen de s’assurer que la masse de gelée qui devrait réintégrer son corps, serait effectivement le Détective. Le jeune garçon d’autre part n’avait aucune envie de courir le risque de faire entrer le criminel fugitif dans son corps.
Au début de l’après-midi Bob rencontra ses camarades comme prévu et ils se dirigèrent immédiatement vers le bateau. La question réparation ne se posant plus ils mirent aussitôt le cap au nord-ouest, suivant la côte à quelque distance. Hay et Colby étaient aux environs. La nouvelle planche avait gonflé et il était à peu près inutile d’écoper. Plus d’un kilomètre les séparait de leur but et ils avaient déjà parcouru une bonne partie du trajet avant que le Chasseur ne comprît exactement quelle était la structure géographique dont il n’avait jusqu’à présent que des données assez vagues, surprises au hasard des conversations. La petite île sur laquelle Hay avait installé son aquarium se trouvait assez près de la côte. Elle occupait la première partie du récif qui s’éloignait en s’inclinant vers le nord en partant de la petite plage ou les garçons avaient l’habitude de se baigner. Une étendue d’eau large à peine de vingt-cinq mètres séparait cette langue de sable de la côte elle-même. Un étroit chenal protégé des brisants par d’autres dépôts coralliens permettait de gagner la mer libre.
La petite île était faite de coraux sur lesquels un peu de terre était venue s’accumuler au cours des ans. Il y en avait assez pour que quelques buissons puissent y pousser. Le lagon presque circulaire avait six à huit mètres dans sa plus grande largeur. Aucune communication ne devait exister avec la mer qui venait se briser à quelques pas de là. Norman expliqua qu’il avait bouché deux ou trois passages sous-marins avec du ciment et que les vagues se chargeaient de remplir le lagon à la marée haute. Comme il l’avait dit la veille, son aquarium ne le satisfaisait pas. Un poisson-lune flottait le ventre en l’air et aucune trace de vie n’apparaissait sur les coraux qui formaient la base du récif.
« Ce doit être une sorte de maladie, déclara-t-il, mais je n’ai jamais entendu parler d’une épidémie qui s’attaque à toutes les espèces.
— Moi non plus », déclara Bob qui ajouta : « C’est sans doute pour cela que tu as emprunté un livre au médecin ? »
Norman lui lança un regard surpris.
« Oui, mais comment le sais-tu ?
— Le docteur m’en a parlé. Je voulais avoir des précisions sur certains virus et il m’a dit t’avoir prêté le meilleur livre qu’il possédait sur le sujet. En as-tu encore besoin ?
— Je ne crois pas. Qu’est-ce qui t’intéresse dans les virus ? J’ai lu les chapitres qui en parlaient et je n’ai pas appris grand-chose.
— Ce n’est pas un intérêt précis, répondit Bob, mais j’en parlais avec quelqu’un l’autre jour et l’on ne savait pas s’ils étaient réellement vivants ou non. Au fond, la question semble inutile. Si le virus mange et se développe, il doit être en vie.
— Je me souviens justement d’un paragraphe où il en était question et… »
La conversation fut alors interrompue et Bob n’eut plus à chercher d’autres prétextes pour expliquer son intérêt.
« Je t’en prie, Norm, donne-lui le bouquin lorsque tu rentreras chez toi et revenez un peu sur terre tous les deux. Si cela vous amuse, exercez vos facultés à trouver ce qui ne va pas dans cet aquarium ou alors continuons à nous balader sur les récifs pour voir ce qu’on pourra découvrir. »
Malmstrom venait de rappeler sa présence avec l’accord tacite de Rice qui n’aimait pas demeurer à l’écart. Comme d’habitude, Colby restait au second plan et gardait le silence.
« Vous avez raison ! » Hay se tourna de nouveau vers le petit lagon. « Je n’ai aucune idée de ce qu’il faut faire ; voilà deux ou trois mois que j’essaie vainement de découvrir quelque chose. J’espérais que Bob aurait une idée.
— Je ne connais pas grand-chose en biologie, répondit Robert. À part ce que j’ai appris en classe… Tu n’as pas eu la curiosité de descendre au fond pour rapporter un morceau de corail et examiner de près ces polypes ?
— Je ne me suis jamais baigné ici. Au début je ne voulais pas déranger les poissons et après leur mort j’ai craint d’attraper à mon tour la maladie.
— C’est possible, mais tu as certainement touché l’eau de nombreuses fois et rien ne t’est arrivé. Je vais y aller si tu veux. » Une fois de plus le Chasseur se sentit près de la colère. « Que veux-tu que je te remonte ? » demanda Bob.
Norman le regarda un long moment avant de répondre.
« Tu crois vraiment qu’il n’y a pas de danger ? Dans ce cas, je vais avec toi. »
Bob tressaillit. Sans même y penser il avait agi avec la conviction qu’il était immunisé contre tous les microbes et les germes qu’il pourrait rencontrer. En revanche Hay, autant qu’il pouvait en juger, n’avait pas de Chasseur pour se protéger.
Cette idée donna le jour immédiatement à une question : « Ne sert-il pas d’hôte également à un être semblable au Chasseur ? Comment expliquer son courage subit autrement ? » Bob estima que ce ne pouvait être la raison de cette décision subite, car en admettant même que le fugitif ait trouvé un refuge chez Hay, il n’aurait certainement pas manifesté sa présence. Pour l’instant Bob devait décider si oui ou non il allait exécuter sa promesse d’entrer dans cette eau douteuse et si Hay tenait malgré tout à le suivre.
« Après tout, pourquoi ne pas y aller ? » se dit-il. Norman n’avait rien attrapé jusqu’à présent et de toute façon le médecin de l’île était là.
« Allez, on y va ! » dit-il en commençant à se déshabiller.
« Minute, hurlèrent Malmstrom et Rice ensemble. Vous devenez cinglés ! Si cette eau tue les poissons, je ne vois vraiment pas l’intérêt d’y aller faire un tour.
— Il n’y a pas de danger, dit Bob, et puis nous ne sommes pas des poissons. » Il sentait très bien le peu de poids de sa réponse, mais n’en trouva pas d’autre sur-le-champ.
Bob entra dans l’eau en marchant, car il était toujours dangereux de plonger dans un lagon fait de coraux, même si l’eau était très claire. Norman le suivait de près pendant que leurs deux camarades les traitaient de fous. Colby n’avait pas pris part à la discussion et se contenta d’aller jusqu’au bateau pour prendre un aviron, puis de revenir auprès des autres.
Le caractère particulier du lagon apparut tout de suite. Bob nagea vers le milieu et esquissa un plongeon qui d’ordinaire le conduisait sans effort à un ou deux mètres sous l’eau. Cette fois-ci il ne parvint même pas à faire disparaître ses pieds sous l’eau. Il nagea alors en profondeur, parvint à toucher le fond et cassa un morceau de corail avant de remonter à une vitesse qui le surprit. Il sentit la saveur de l’eau sur ses lèvres et aussitôt comprit tout.
« Norman ! Goûte un peu la flotte, hurla-t-il. Pas étonnant que tes poissons claquent. »
Après un instant d’hésitation Hay obéit et fit la grimace, puis demanda :
« Mais d’où peut venir tout ce sel ? » Bob regagna le bord du lagon et à peine eut-il prit pied sur les coraux qu’il commença à s’habiller.
« Nous aurions dû y penser, dit-il. La mer entre ici à la marée avec les vagues et comme l’eau s’évapore il ne reste plus que le sel. Tu n’aurais pas dû fermer tous les passages qui permettaient à l’eau de circuler. On trouvera bien un bout de grillage qu’on installera devant le trou qu’on va creuser au niveau de l’eau, si tu tiens essentiellement à conserver tes poissons pour prendre des photos.
— Ça alors ! s’exclama Hay, et moi qui ai fait toute une étude en classe sur la formation des grands lacs salés ! » Il s’habilla à son tour et demanda : « Que faisons-nous maintenant ? On va chercher une barre à mine ou on se balade dans les rochers puisque l’on y est déjà ? »
Après une brève discussion, la seconde proposition fut adoptée et tous les garçons retournèrent vers le bateau. En route, Norman sortit un énorme seau de derrière un buisson et déclara en riant :
« Je m’en servais de temps en temps pour remplir ma piscine quand le niveau était trop bas. On pourra toujours en faire quelque chose. »
Il jeta le seau dans le bateau et resta le dernier sur la plage pour pousser l’embarcation une fois tout le monde à bord.
Une heure durant, ils ramèrent le long des récifs, débarquant de temps à autre dans une petite île, se contentant le plus souvent de serrer de près les bancs de coraux tout en se maintenant à une certaine distance à l’aide de longues perches. Ils étaient déjà assez loin de leur point de départ et approchaient d’une île un peu plus grosse que les autres sur laquelle une demi-douzaine de cocotiers avaient poussé. Ils débarquèrent bientôt et mirent le bateau en sûreté sur le sol rugueux. Jusqu’alors leur butin n’avait guère été important. Malmstrom avait bien trouvé quelques fragments de coraux rouges et de jolis coquillages nacrés, mais c’était tout. Le Chasseur, de son côté, n’avait pas retiré grand profit de cette expédition, ce qui l’ennuyait sérieusement, car cette promenade dans les récifs avait été suggérée par lui dans l’espoir de découvrir des traces de son passage déjà lointain.
Le Chasseur déploya toutes ses possibilités pour se servir du mieux possible des yeux de Bob. Ils approchaient de la limite qu’ils avaient fixée au nord de la plage comme étant l’endroit au-delà duquel il y avait peu de chance de trouver une piste de leur fugitif. Selon toutes vraisemblances il ne pouvait guère avoir touché terre plus loin de ce côté-là. Les vagues déferlaient sur un des bords de la petite île alors que de l’autre, l’eau du lagon était relativement calme. À quelques centaines de mètres de là on apercevait l’immense masse de béton d’un réservoir. L’embarcation en approchait et l’on pouvait voir les minces silhouettes des ouvriers passant sur les passerelles qui longeaient le toit plat. Au-delà, à deux ou trois kilomètres, on découvrait vaguement quelques maisons.
Le Chasseur ne pouvait quand même pas considérer cela comme une piste probable et il reporta son attention sur les alentours immédiats. La petite bande de terre sur laquelle ils se trouvaient ressemblait à celle où Hay avait installé son aquarium. Les bords en étaient également déchiquetés, coupés de place en place par des murailles de coraux encore vivants sous lesquels l’eau gargouillait et disparaissait pour repaître un peu plus loin sous la poussée des vagues. Quelques-unes de ces ouvertures étaient très larges du côté de la mer, alors que vers le lagon, seul un orifice assez étroit laissait passer l’eau. Il fallait voir là l’explication du calme qui y régnait alors que le mouvement incessant des vagues s’exerçait sur l’autre face. Les garçons menaient leurs recherches dans la plupart de ces grandes ouvertures, sachant très bien qu’il n’y avait rien à trouver dans les eaux trop agitées.
Rice venait de sauter le premier à terre et courait vers l’un de ces passages pendant que ses camarades tiraient l’embarcation hors de l’eau. Il se précipita vers un des petits canaux et allongea la tête au ras de la surface. Puis mettant la main devant ses yeux il examina le fond à travers l’eau très claire. À l’instant où les autres le rejoignirent, il achevait déjà d’enlever sa chemise et lança vivement :
« C’est à moi d’essayer le premier. »
Les jeunes garçons se penchèrent à leur tour pour découvrir ce que Rice avait vu. Avant qu’aucun d’eux n’ait eu le temps de fixer son attention, Rice avait déjà plongé et il était à présent impossible de voir quoi que ce fût dans l’eau troublée. Il resta au fond quelques instants et demanda en réapparaissant à la surface qu’on lui donnât un des longs bouts de bois qui se trouvaient dans le bateau.
« Je n’arrive pas à le faire bouger, déclara-t-il, on croirait que c’est soudé au fond.
— Qu’est-ce que tu as trouvé ? demandèrent plusieurs voix en même temps.
— Je n’en sais rien. C’est la première fois que je vois un truc comme ça. C’est même pour cela que je tiens à le remonter. »
Il prit la perche que lui tendit Colby et disparut de nouveau sous l’eau. L’objet qu’il essayait d’atteindre se trouvait à peu près à un mètre cinquante de la surface, mais cette profondeur augmentait régulièrement avec le passage incessant des vagues.
À plusieurs reprises Rice remonta pour respirer sans avoir pu faire bouger l’objet mystérieux. Finalement Bob plongea avec lui pour l’aider. Grâce au Chasseur, Bob jouissait d’un avantage supplémentaire sur ses camarades. En accentuant la courbure de sa rétine, le Chasseur permettait à Bob de voir à peu près aussi bien dans l’eau que dans l’air. Il put donc se rendre compte très rapidement de l’apparence de l’objet que Rice essayait d’atteindre. Cependant il ne put attacher à un souvenir ce qu’il voyait. C’était une demi-sphère de métal sombre, de vingt à vingt-cinq centimètres de diamètre et d’un centimètre d’épaisseur, dont le côté plat était à demi protégé par une plaque de même métal. L’objet était suspendu à une branche de corail à quelques centimètres du fond, un peu comme une casquette accrochée à un portemanteau. L’autre moitié avait dû tomber plus loin. Rice s’efforçait de ramener la demi-sphère avec sa perche. Après quelques minutes de vains efforts, ils remontèrent respirer une fois de plus et décidèrent de mettre au point une tactique plus rationnelle. Bob irait jusqu’au fond du petit canal et glisserait le bout de la perche sous l’objet en question. À son signal, Rice prendrait appui sur son pied et pousserait de l’autre pour faire tomber le gros fragment de corail qui bloquait la demi-sphère. Le premier essai ne donna rien. Bob n’avait pas poussé la perche assez loin et elle glissa sur le côté. Le second, en revanche, réussit même trop bien. L’objet en métal sortit très facilement de l’anfractuosité où il était coincé et glissa aussitôt vers un endroit plus profond. Bob, qui commençait à manquer de souffle, revint à la surface. Il respira profondément et s’apprêtait à commenter le résultat avec Rice lorsqu’il s’aperçut que la tête aux cheveux flamboyants avait disparu. Il supposa un instant que son camarade était retourné au fond après avoir renouvelé sa provision d’air, mais à ce moment-là le niveau de l’eau baissa brusquement et la tête de Rice apparut.
« Au secours ! Mon pied est… »
Il ne put en dire davantage car l’eau venait de remonter, mais la situation était extrêmement claire. Bob plongea immédiatement, coinça son pied au fond et essaya de soulever le gros morceau de corail qui était tombé sur le pied de Rice dès que la sphère de métal avait été enlevée. Il ne réussit pas mieux qu’auparavant et, très inquiet, remonta à la surface au moment ou l’eau baissait de nouveau.
« Ne parle pas ! Respire ! » hurlait Malmstrom, ce qui était à peu près inutile, car Rice était trop occupé à aspirer de l’air frais dès qu’il le pouvait pour songer à autre chose. La perche avait disparu et Bob la chercha rapidement autour de lui. Il la vit flottant sur l’eau a quelques mètres et plongea aussitôt pour la ramener. Sans mot dire Colby s’était éloigné vers l’embarcation et, au moment où Bob nageait en poussant la perche devant lui, le jeune garçon revenait en portant le seau que Hay avait mis tout à l’heure dans le bateau.
Tout se passa alors si rapidement que ni Malmstrom ni Hay n’eurent le temps de comprendre ce qui arrivait. Avec des yeux ronds ils contemplaient Hugh Colby et son seau. Colby ne perdit pas son temps en vaines explications et se précipita vers le bord de l’eau à l’endroit où Rice allait apparaître. Au moment où le niveau baissait, il posa vivement à l’envers le seau sur la tête de son camarade :
« Tiens-le bien ! » cria-t-il, sortant de son mutisme pour la première fois depuis le début de la promenade.
Rice comprit heureusement sur-le-champ ce qu’on lui conseillait et au moment où l’eau remontait pour le submerger il découvrit avec satisfaction que son visage était à présent entouré d’un plein baquet d’air. Bob qui était au fond à essayer une fois de plus de bouger le morceau de corail, n’avait pas vu ce qui s’était passé et eut du mal à en croire ses yeux lorsqu’il comprit le stratagème de Rice.
« Veux-tu que l’on descende ? demanda Hay très inquiet.
— Je crois que cette fois je vais y arriver, répliqua Bob; ce qui m’inquiétait le plus c’était de ne pas savoir s’il pourrait tenir le coup. Maintenant tout ira bien. Laisse-moi souffler encore une minute et je redescends. »
Il se reposa quelques instants pendant que Hay hurlait des encouragements à son camarade dont la tête était emprisonnée dans le seau. Des phrases étaient hachées, car il fallait profiter du moment où l’eau était basse. Robert trouva le temps de murmurer au Chasseur :
« Vous comprenez pourquoi je ne voulais pas venir seul ici ! » Puis s’accrochant d’une main ferme à la perche, il plongea une fois de plus. Bob pu trouver alors un meilleur endroit pour faire levier et il appuya de toutes ses forces. Le morceau de corail se souleva lentement et Bob voyait déjà la fin de cette aventure lorsque la perche-cassa. Un éclat pointu lui entama profondément la poitrine. Le Chasseur ne pouvait lui en vouloir, car la blessure provenait d’un accident reçu en accomplissant son devoir, et il referma les bords de la plaie. Bob revint à la surface.
« J’ai l’impression qu’il va falloir s’y mettre tous. J’ai réussi à le faire remuer, mais la perche a cassé. Vous devriez aller chercher les autres bouts de bois ou plutôt les deux avirons et tout le monde s’y mettrait.
— Mieux vaudrait peut-être aller chercher une barre de mine, proposa Malmstrom.
— Mieux vaudrait que nous en venions rapidement à bout, répliqua Bob d’un ton sec. La marée monte et le petit truc du seau ne tiendra que tant que l’eau descendra au-dessous des bords. Allez, dépêchez-vous. »
Quelques secondes plus tard les quatre garçons étaient dans l’eau, entourant leur camarade, chacun muni ou d’un bout de bois ou d’un aviron. Bob plongeait constamment afin de placer correctement les extrémités des leviers pendant que les autres s’apprêtaient à appuyer de toutes leurs forces à son signal. Personne ne savait évidemment qu’il pouvait voir sous l’eau, mais tous acceptaient d’obéir à ses ordres pour la simple raison qu’il avait pris la direction des opérations à un moment où ils ne savaient que faire, et d’autre part ce n’était vraiment pas le moment de discuter de question de préséance.
Bien que gros, le bloc se souleva sous les efforts conjugués de tous les garçons, qui faillirent casser un aviron. Ils tinrent le bloc en équilibre la fraction de seconde nécessaire à Rice pour enlever rapidement son pied. Avec l’aide de ses camarades, il parvint à se hisser sur le rocher et s’assit pour masser son pied endolori.
En dépit de son hâle, Rice était pâle et quelques minutes se passèrent avant qu’il reprît sa respiration normale et que son pouls devienne plus régulier. Il put alors se mettre debout. Les autres garçons avaient eu au moins aussi peur que lui et personne ne proposa de chercher à repêcher l’objet de métal qui était à l’origine de l’incident. Dix minutes plus tard, Rice déclara qu’il serait dommage de s’être donné tant de mal pour rien. Bob releva le gant et plongea une fois de plus. L’objet n’était plus visible parmi les coraux et les algues qui tapissaient le fond du lagon. Bob se piqua les doigts à un oursin et estima qu’il était inutile de pousser plus avant les recherches. Rice était extrêmement déçu de ne rien rapporter de sa promenade, lui qui mettait un point d’honneur à toujours montrer quelque chose à ses parents en revenant de ses explorations. Il ne pourrait que leur raconter l’aventure dont il avait failli être victime, ce qui était peu.
Il était alors quatre heures et demie, ce qui laissait assez de temps avant le dîner pour poursuivre l’exploration des récifs, mais le cœur n’y était plus. Ils décidèrent alors de ramer jusqu’à l’appontement distant de deux bons kilomètres.
« On ne trouvera pas grand monde là-bas, remarqua Hay d’un ton calme. Il n’y aura pas de bateau avant une semaine. »
Sur le moment personne ne répondit, car tous avaient une idée en tête, mais par la suite, Hay entendit souvent parler de sa phrase que tous trouvèrent anodine sur le moment.
Le Chasseur entendit la remarque comme les autres sans y attacher beaucoup d’importance, car il était trop préoccupé. Il avait, en effet, reconnu une enveloppe de générateur qui ne provenait pas de son engin.